L'Autre choix: les sens de la vie par l'auteur du Mendiant
Les sens de la vie: le bien-être
durable... Voici peut-être le temps de descendre en soi afin de bien
consolider et stabiliser son bien-être, de s’interroger sur les sens de la vie:
le sens de l'utilité, de la générosité, de l'amour de soi et des autres!
Série L'Autre Choix / Livre 4
Les sens de la vie
par Benoît Saint Girons
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PRESENTATION
Les sens de la vie
Le bien-être durable…
Une vie sereine et heureuse sera constituée de milliers de petits bien-être
fugaces... qui devront toutefois reposer sur des fondations solides ! Voici
peut-être le temps de descendre en soi afin de bien consolider et stabiliser
son bien-être, de s’interroger sur les sens de la vie…
SOMMAIRE
Introduction
I. Le sens de l’utilité
Un métier bien inspiré…
L’amour de son métier…
S’EXERCER A L’UTILITE…
II. Le sens de la générosité
La libre générosité…
La pratique de la générosité…
La générosité intellectuelle…
Le temps de la générosité…
S’EXERCER A LA GENEROSITE…
III. Les sens de l’amour
La limite des mythes…
S’apprivoiser…
L’art de l’amour…
Un art complexe et…
… généreux
L’expression de l’amour…
Le premier pas…
Accroître sa compassion…
Laver son amour-propre…
Mais ne pas trop le porter…
Et en prendre soin…
S’EXERCER A L’AMOUR…
Conclusion
EXTRAITS
► Introduction ► La générosité intellectuelle
► Laver son amour propre
Introduction
Le bien-être est parfois perçu comme une jouissance superficielle. C’est se
tromper de bien-être ou, plus exactement, ne pas saisir toute la portée du
bien-être. Car le bien-être ne saurait se limiter aux seules dimensions du
plaisir ou de la satisfaction : apprécier ou se réjouir individuellement
d’une circonstance agréable. Certes, autant vivre le plus agréablement
possible : la condamnation du plaisir ne vaut que vis-à-vis d’un plaisir qui
se ferait au détriment des autres ou de sa santé. Mais il faut néanmoins
rester prudent car ce type de bien-être plaisir sera trop volatile pour
justifier un quelconque attachement : il s’envolera en même temps que la
circonstance.
[...]
La vie pourrait être constituée de milliers de petits bien-être fugaces : je
rentre chez moi et je me sens bien, je bois un verre d’eau fraîche et je me
sens bien, je m’assois et je me sens bien,… J’expliquais dans L’Essence du
bien-être comment multiplier ces pointillés. Nous allons voir maintenant,
non pas comment en faire une ligne droite puisque le bien-être ne saurait
être constant sans finir prisonnier et s’affadir, mais comment lui rajouter
du poids ou une troisième dimension afin de lui donner un peu plus de
constance et de stabilité…
Le bien-être requiert du poids, du caractère et une dynamique : il s’ennuie
de la futilité, de la routine et de la vulgarité. Le bien-être est dans la
tête mais aussi dans l’action : il se compose et s’enrichit des éléments
rencontrés sur le chemin. C’est au contact de la misère, de la maladie et de
la mort que le Prince Siddharta Gautama choisit la voie du Bouddha ! Je sors
donc joyeux et optimiste, à la rencontre de la vie et de ses naturelles
imperfections…
Sortir, mais pour aller où ? Chacun est évidemment libre de sa vie et de ses
choix et ce ne sont pas les intersections qui manquent... Dans une optique
de bien-être solide, je crois toutefois pouvoir affirmer (et je ne suis pas
le seul) que le bien-être apprécie les chemins qui montent vers les autres.
Pourquoi choisir la montée plutôt que la descente ? Après tout, ne
considérons-nous pas souvent que les malheureux se trouvent dans une
situation inférieure à la nôtre et qu’il convient de se baisser pour les
aider, comme nous nous baissons pour donner la piécette ? Mais je n’aime pas
me courber (mon dos !) et je ne crois pas que devenir plus petit ou
malheureux rende service sur le long terme. Un professeur qui adapterait son
enseignement au plus mauvais élève (ou un système qui, par démagogie,
promettrait des études supérieures à tous) pénaliserait toute la classe, y
compris l’élève en difficulté qui n’aurait plus alors devant lui de vision
du progrès et nécessaire effort à accomplir. Niveler par le bas n’a jamais
rien créé sinon de la bassesse !
Pourquoi pas alors « descendre vers les autres afin de leur faire la courte
échelle » ? C’est effectivement le cas de toutes les personnes qui
travaillent au contact des pauvres. Mère Teresa en était la figure
emblématique. Il s’agit là d’un comportement admirable : sacrifier son
confort pour aider les autres à acquérir plus de confort... Mourir sur la
croix pour sauver l’humanité… Se dévouer dans les tâches ingrates pour
éviter aux autres d’avoir à les faire… Le masochisme serait-il le lot commun
des Saints et des Martyrs ? Non car, comme nous le verrons, tout ce qui est
tourné vers l’autre revient vers soi en proportion. Plus je fais le bien et
plus je me sens bien !
[...]
Gardons donc à l’esprit la règle naturelle suivante : même s’il convient de
garder les pieds sur terre, nous nous élevons généralement en aidant les
autres. L’idée du chemin qui monte prend alors du sens… d’autant qu’il
convient aussi de s’élever à la hauteur des problèmes et des sentiments des
malheureux. Ce n’est pas rien que d’être en peine !
« Nul ne s’est jamais perdu dans le droit chemin » déclarait Goethe. Plutôt
que de pente, pourquoi ne pas en effet parler de rectitude ? Simplement
parce que rares sont ceux qui disposent d’une règle pour tracer une ligne et
que les détours et les tournants seront nécessairement légions. La droite
n’est pas une figure géométrique de la nature, qui lui préfère la courbe des
vagues et la flexibilité du roseau. La droite serait plutôt emblématique de
la civilisation et des artifices humains : les bâtiments, les poteaux, les
autoroutes ou les canons des fusils…
[...]
Mais qu’importe finalement la forme ou la figure ! Plutôt que de direction
ou de chemin, ne vaudrait-il pas mieux parler de sens : dans quel sens notre
vie tourne-t-elle ? Cela serait en effet plus adapté à la règle naturelle de
la nature ou du karma : « Lorsque nous cherchons à être meilleur que nous ne
le sommes, tout devient meilleur aussi autour de nous […] La terre sur
laquelle nous vivons sera meilleure ou sera pire selon que nous serons
meilleurs ou pires » écrit Paulo Coelho dans l'Alchimiste.
[...]
Voilà, les gros mots sont lâchés ! Il n’était pas possible de retarder plus
longtemps l’évidence. Que cela nous plaise ou non, la notion de bien figure
belle et bien dans le bien-être : se sentir bien, c’est aussi se sentir bon
! C’est une simple question de logique, d’amour propre et d’hygiène. Mais
rassurez-vous : je n’ai pas la prétention de placer ici une morale et je
laisserai le mal à sa place. Je n’ai pas non plus l’ambition de transformer
cet ouvrage en un traité de vertus : des philosophes l’ont fait mieux que
moi et ce n’est de toute façon pas le sujet.
Dans l’analyse du bien-être qui est la nôtre, je me bornerai donc simplement
à suggérer les trois sens qui me paraissent les plus aptes à le renforcer et
à le faire durer. Il s’agit de trois bon sens pleins de bon sens : le sens
de l’utilité, le sens de la générosité et le sens de l’amour…
La générosité intellectuelle
Comment faut-il donner ? Par chèque, carte bleue, virement bancaire… ? Il ne
s’agit pas de cela mais de ce dont parle Corneille lorsqu’il écrit « La
façon de donner vaut mieux que ce qu’on donne ». Donner une pièce
furtivement pour se donner bonne conscience ne vaut en effet pas grand-chose
: quelques centimes d’euros tout au plus. Ajoutez à votre pièce un sourire
ou une phrase d’encouragement et votre geste n’a plus de prix… Certains
mendiants souhaitent peut-être financer leurs vices mais la plupart
préfèreront enrichir leur vie. « Si tu as de nombreuses richesses, donne de
ton bien; si tu possède peu, donne de ton coeur » dit un Proverbe berbère.
Nuançons cette sagesse : le riche aurait tout intérêt à ne pas oublier son
cœur non plus ! Il est facile à trouver : juste en dessous du portefeuille…
Cette réflexion inscrit la générosité dans une perspective plus large :
celle de notre comportement à l’égard des autres. Si je suis tourné vers
l’autre, il va de soi que je le serai avec de bonnes intentions.
L’amabilité, la politesse et la bienveillance sont les premières
manifestations de la générosité. Le sourire est le plus beau don de soi mais
il ne s’envoie pas par la poste ou par email : nous le portons sur nous et
il nous accompagne au quotidien.
Faire plaisir. Le philosophe Alain considérait cette règle comme un « art de
vivre », à partir du moment où nous n’y mettons ni mensonge, ni bassesse.
Démarrer sa journée en se demandant à qui l’on va bien pouvoir faire plaisir
est un formidable stimulant mental. Il y a quantité de choses à faire, des
petites choses, sans importance en soi sinon le plaisir que nous donnons à
l’autre et qui rejaillit vers nous : téléphoner à quelqu’un pour lui dire
que nous pensons à lui, découper un article dans le journal, souhaiter les
fêtes, demander des nouvelles de la famille, complimenter, rendre service,
remercier chaleureusement,… Il n’est sans doute pas possible de devenir ami
de tout le monde mais il serait sage, par précaution, de traiter tout le
monde comme un ami.
La générosité intérieure se traduira aussi par une communication faite de
modestie, d’écoute et d’acceptation de l’autre. Il y a quelques années,
j’étais attablé à un repas de mariage. La discussion dévie sur la Chine
(quelle discussion ne dévie pas sur la Chine de nos jours...) L’une des
convives se lance avec enthousiasme dans les clichés d’usage. Après l’avoir
écouté parler, je démonte point par point ses différentes affirmations et
ajoute, triomphal, « vous savez, j’ai passé six ans en Asie et je parle
chinois alors je connais un peu ce sujet ! » Sourires gênés des autres
convives. Evidemment, cette personne ne m’adressa plus la parole de la
soirée. Pouvait-on l’en blâmer ? Elle ne m’avait rien demandé et me voilà
que je la faisais passer aux yeux de tous pour une imbécile ! Et qui plus
est dans une soirée où je n’étais qu’un invité !
Dans le film Ridicule de Patrice Leconte, les nobles passent leur temps à
essayer de faire de l’esprit au détriment des autres. Il s’agit d’un jeu
cruel mais qui a ses règles : le noble choisit d’y participer ou quitte la
cour. Dans un débat politique, l’objectif est également de décrédibiliser
les arguments de l’autre candidat. Là encore, ce sont les circonstances qui
appellent la contradiction. Mais dans une soirée face à des inconnus,
l’enjeu est tout autre : il ne s’agit pas de briller ou de vaincre mais
d’être courtois et aimable. Si quelqu’un vous demande votre avis, donnez le
comme étant votre avis. Sinon, restez à votre place et profitez en pour
devenir anthropologue…
[...]
« La culture est comparable à de la confiture. Plus on en a, moins on
l’étale » Savourez donc votre confiture et ne la recrachez pas à la figure
d’autrui. Rappelez-vous que la confiture, si agréable en bouche, est bien
poisseuse lorsque renversée. Soyez donc magnanime et généreux : laissez les
autres déguster leurs propres confitures et ne leur donnez de la votre que
s’ils sont en manque. De nombreuses personnes n’ont en effet pas accès à des
confitures de qualité. Certains n’ont pas les moyens de s’en offrir.
D’autres n’aiment, par facilité, qu’une variété de confiture… Il arrive même
parfois que l’on croie ne pas aimer la confiture...
Laver son amour propre
Malgré son absence du dictionnaire (en tout cas du mien ), il existe un
autre sens à l’amour : l’amour propre. Cette notion a justement tendance à
briller par son absence: nous passons notre temps à nous dénigrer, à faire
des fixations sur nos petits défauts, à développer des complexes, à envier
ce que nous ne sommes pas, à nous traiter d’incapable, à tourner en rond
dans notre cage mentale… Bref, à ne pas nous aimer. Cet amour sale est peut
être rentable pour les lessiviers mais il se révèle désastreux pour notre
bien-être !
Il faut dire que l’amour propre n’a pas vraiment bonne réputation : nous
l’associons à une forme d’égoïsme, d’égotisme ou d’égocentrisme. Nous
semblons partir du principe que l’amour n’est une substance disponible qu’en
quantité limitée. Ressource rare, l’amour pour soi serait en quelque sorte
un amour confisqué aux autres, une sorte de masturbation honteuse, comme
dans cette BD pornographique de Martin Veyron : « L’amour propre ne le reste
jamais longtemps ».
Résultat ? Nous attendons de l’autre qu’il nous serve et nous remette la
part d’amour que nous n’avons pas osé prendre : nous plaçons tous nos
espoirs dans la relation sans réaliser que nous chargeons alors trop la
barque pour la rendre navigable. Car s’il est normal d’attendre du soutien
et de l’amour de son conjoint, l’amour propre est, comme son nom l’indique,
une démarche intérieure et personnelle !
Les complexes comme le manque d’amour propre proviennent essentiellement du
fossé qui sépare le rêve ou la croyance de la réalité : la différence entre
ce que je voudrais être ou pense devoir être et ce que je suis ! Vous
voudriez être parfait ? Mais comment est-ce possible puisque vos défauts
sont des dons de la nature ? Vous voudriez être plus, à l’instar de ces
gourous ou de ces vedettes ? Comprenez qu’ils ne sont pas plus mais autres,
dans une catégorie qui n’est pas forcément la votre ! Le manque d’amour
propre s’épanouit aussi sur cette dangereuse habitude de ne pas arriver à se
pardonner ou à oublier les erreurs du passé : une compassion orientée vers
soi permettra alors, telle une compresse, de cicatriser ses culpabilités.
[...]
Evidemment, à trop s’aimer, il y a un risque de ne plus aimer que soi. C’est
avec respect, humilité et compassion qu’il convient de s’aimer : cela
permettra d’aimer autrui de la même manière. S’aimer comme un étranger,
c’est s’aimer avec simplicité, de l’extérieur, sans la pression de l’ego.
Avoir une trop haute estime de soi ne sera en effet plus de l’amour mais de
la vanité et ce trait de caractère se fera nécessairement au détriment de
l’estime accordée aux autres et à l’encontre de son propre développement.
Bo Lozoff signale cette tare du « je-me-moi » (« j’aime moi »), encouragée
par notre système éducatif et la permissivité de certains parents: « On
enseigne aux enfants à avoir une haute opinion d’eux-mêmes, quelle que soit
leur attitude envers les autres. C’est le chaos total. […] L’idée de départ,
raisonnable en soi – « Mon chéri, tu peux toujours garder la tête haute même
si tu n’excelles pas en tout », avait très mal tourné : « Mes enfants, vous
devez toujours être fiers de vous, que vous vous efforciez ou non de
réussir, que vous fassiez ou non de votre mieux, que vous agissiez avec
égoïsme ou non. Rien de cela n’est important. Ce qui compte, c’est que vous
soyez fiers de vous. » (1)
Refuser toute critique ou remise en cause, ce n’est pas préserver son amour
propre mais renoncer à toute expression d’un amour sain. Car aimer, ce n’est
pas aimer uniquement ce qui est parfait – ou ce que nous croyons être
parfait – mais également ce qui est faible, ce qui se trompe, ce qui est en
devenir. Le meilleur exemple n’est-il pas l’amour de Dieu envers les hommes
?
L’amour propre, ce n’est pas un amour de conte de fées, resplendissant car
immaculé, mais un amour propre à soi, tolérant vis-à-vis de la saleté et
bienveillant vis-à-vis des faiblesses. C’est avec le regard d’une mère pour
son enfant qu’il convient de s’aimer, ou avec celui d’un humoriste : « Ma
sœur, prenez-vous avec humour et sachez rire de vous-même ! » recommandait
ainsi un professeur à Sœur Emmanuelle. (2)
[...]
(1) Bo Lozoff, La vie vaut la peine d’être vécue, Editeur le Jour, p.
119-120.
(2) Sœur Emmanuelle, Vivre, à quoi ça sert, Flammarion, p.33
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