L'irradiation des
aliments |
Evidemment, vous ne trouverez pas de logo
spécifique sur l'emballage.(1) Cela ferait mauvais genre ! Comment
réagirait en effet le consomm’acteur s’il apprenait que sa viande de
volaille, déjà mal en point de part son mode d’élevage, a en plus
subi quelques heures d’irradiation aux rayons gamma ? S’il
comprenait que son fruit exotique, importé hors saison, ne doit son
apparence qu’à un « bain de soleil » de césium 137 ou de cobalt 60 ?
En théorie, depuis un décret du 8 mai 1970, toute denrée irradiée
devrait porter la mention « traité par rayonnements ionisants » ou «
traité par ionisation ». En pratique, 80% des produits irradiés
seraient incorrectement étiquetés… notamment parce que les
produits irradiés servent souvent d’ingrédients dans les
préparations industrielles…
Certes, irradier les aliments ne les rend pas radioactifs (sauf
accident) et permet de détruire insectes, bactéries et parasites
tout en permettant – et c’est cela la grande idée – de conserver les
aliments plus beaux plus longtemps. Il devient ainsi possible « à
certains industriels douteux de « recycler » des produits qui
arrivent en limite de péremption, de masquer leurs mauvaises
pratiques en matière d’hygiène et d’éviter des investissements
coûteux dans ce domaine. Ce qui était une mesure sanitaire se
transforme parfois en cache-misère douteux. » (2) «
Pendant quinze jours, des fraises sembleront toutes fraîches, sans
l’être forcément. » précise Roland Desbordes, président de la
Crii-Rad.(3) Avec l’irradiation, les problèmes d’hygiène ont enfin
trouvé leur solution. D’où l’appellation « hygiénisé » que l’on
retrouve parfois!
Ah, hygiène, que ne ferait-on pas en ton nom ! Une petite
parenthèse si vous le permettez pour un arbre qui cache trop souvent
la forêt. C’est par exemple au nom de l’hygiène que les gâteaux «
fait maison » sont désormais interdits de certaines écoles en
France. C’est encore au nom de l’hygiène qu’il est possible à des
cantines scolaires, de servir des raviolis en boîtes fourrées à la
chimie ! C’est enfin au nom de l’hygiène que les industriels ont
essayé d’assassiner les fromages au lait cru. Pourtant « plus le
lait est cru, plus il est sain, car doté de tous ses anticorps
naturels, les seuls aptes à faire face efficacement aux agents
bactériens extérieurs. […] Les rares accidents sanitaires survenus
sur des fromages français l’ont toujours été avec des produits
pasteurisés. » (4)
Cette attention portée à l’hygiène alimentaire est d’autant plus
paradoxale que plus d’un siècle après Semmelweis (5) , la majorité
des clients de fast-foods oublient toujours de se laver les mains
avant de manipuler leur hamburger. Il est vrai que toucher la porte
des toilettes d’un tel lieu suffit généralement à faire le plein de
germes et que les clients réguliers de ce type d’endroit ne sont
pas, par essence, les plus obnubilés par les problèmes de santé. Il
y a quelques années, des chercheurs anglais ont identifié douze
urines différentes dans un bol de cacahuètes placé sur le
comptoir d’un pub. Plus grave, un boucher écossais fut responsable
de la contamination de 500 personnes pour ne pas s’être lavé les
mains après son passage aux toilettes. « Cela a l’air idiot mais
les mains sales sont probablement à l’origine de 80% des
gastro-entérites » rappelle le journaliste Denis Riché. (6)
Bref, au lieu d’être obnubilé par l’hygiène industrielle et
environnementale, il vaudrait mieux faire confiance aux produits
vivants et se laver les mains !
Quel intérêt en effet
d’irradier un aliment au nom de l’hygiène si c’est pour lui faire
perdre dans le même processus ses vitamines et acides aminées ?
L’irradiation, tout comme d’ailleurs la cuisson aux micro-ondes,
transforme la structure moléculaire des aliments. Une étude
américaine a ainsi démontrée que l'ionisation pouvait détruire
jusqu'à 80% de la vitamine A des œufs et 48% du Béta carotène du jus
d' orange. (7) « Les molécules sont coupées en morceaux par
l’énergie du rayon gamma […] On crée de nouveaux éléments, les
radicaux libres, dont certains sont cancérigènes. » renchérit
Roland Desbordes qui précise : « L’aliment est mort sur la
plan biologique, les tissus sont pulvérisés, l’ADN détruit.
» (8)
Opinions d’écolos ? Un
rapport de l’OMS de 1995 rapporte que 27 études sur 102
consacrées au sujet sont classées comme « ayant conclu à des effets
néfastes ». N’est-ce pas suffisant pour évoquer le « principe de
précaution » ? Et pourquoi n’y a-t-il que cinq pays en Europe à
autoriser l’irradiation ? (9)
Les instances européennes
n’autorisent que l’irradiation des herbes aromatiques, des épices et
des condiments mais il est possible d’obtenir des dérogations…
La France ne s’en est pas privée et se retrouve avec de quoi bien
alimenter ses sept centres d’irradiation : les oignons, ail et
échalotes, les flocons et germes de céréales, les légumes et fruits
secs, la farine de riz, la viande de volaille, les cuisses de
grenouille congelées, les crevettes congelées, le blanc d'œuf, etc.
A cela s’ajoute les produits autorisés par les 34 Etats exportateurs
non membres de l’UE, comme les USA ou la Chine. (10) Au final, ce ne
sont pas moins de 15 000 tonnes d’aliments irradiés qui finiraient
dans nos rayons. Une autre bonne raison pour se méfier des grandes
surfaces ?
Sources:
(1) Sauf au Canada où tous les produits alimentaires traités par
irradiation doivent présenter le logo RADURA sur leur emballage.
(2) Aliments irradiés : on nous cache tout !, Quelle Santé N°7,
Juillet-Août 2006, p. 6
(3) Commission de recherche et d’information indépendantes sur la
radioactivité, l’association qui a publié les cartes officielles des
vraies retombées de Tchernobyl en France
http://www.criirad.org /
Article de Zoé Busca, L’aliment irradié ment !, L’Age de Faire, Juin
2007, p. 5
(4) Périco Légasse, Le néolibéralisme de la malbouffe, Marianne
N°516, 10 mars 2007, p. 88
(5) Lorsque le médecin hongrois Semmelweis écrit au milieu du 19ème
siècle, « Les mains, par leur simple contact, peuvent être
infectantes », il est moqué de ses collègues. Il a pourtant fait
passer la mortalité dans le pavillon d’accouchement où il travaille
de 33 à 0.23% ! Son patron réussit néanmoins à monter toute la
Faculté de Médecine contre lui. Aucun grand professeur étranger de
l'époque ne croit à sa découverte. Semmelweis est révoqué en 1849 et
meurt dans un asile d'aliénés à Vienne en 1865…
(6) Denis Riché, Les microbes tord-boyaux, Sport et Vie,
Novembre-Décembre 2000, p. 46
(7) FDA Memorandum, from Kim Morehouse, Ph.D. to William Trotter,
April 11, 2000
(8) Guillaume Lamy, Irradiation : un cocktail explosif dans nos
assiettes, Mars 2005, http://terresacree.org/
(9) La Belgique, la France, les Pays-Bas, l'Italie et le
Royaume-Uni. Selon Wikipedia, « les autres pays de l'Union
européenne n'importent pas d'aliments irradiés. »
(10) Avec à chaque fois des appellations différentes, comme «
pasteurisation » aux Etats-Unis ou « pasteurisés à froid » en Israël
(à haute température !),… Pourquoi faire simple, n’est-ce pas, quand
on peut embrouiller ? |